MUSIQUE


      Tous les offices sont chantés en français. Ce sont, en général, des adaptations de la polyphonie slave, propres à notre communauté. La plupart de ces adaptations ont été effectuées par notre défunt chef de chœur, M. Luc Debutte, qui dirigea la chorale pendant près de 25 ans, jusqu'à sa mort, en 2002.

      Au fil des ans et des départs vers le Père ou en dehors de Bruxelles, notre chorale s'est transformée en petit ensemble vocal à géométrie variable. Nous accueillons volontiers tout choriste de bonne volonté prêt à s'engager à prier avec nous de manière régulière.

      Il est possible de se procurer le CD de notre chorale en en faisant la demande via notre courriel, ou de l'acheter à la fin des offices.

Le CD se vend au prix de 15€ (+frais de port en cas d'envoi par la poste).

      Le chant liturgique slave donne une tonalité particulière aux offices. Il aide au recueillement et à l'élévation spirituelle de toute la communauté.


LE CHANT : MUSIQUE DE LA CRÉATION

(Texte de Luc Debutte, édité dans la Revue La Voix de Saint Jean-le-Précurseur  du 1er trimestre 2003)

      Le chant des différentes traditions orientales, et particulièrement des Églises orthodoxes, est d'une richesse considérable dans sa diversité. les anciens canons de l'Église d'Orient interdisant, durant les offices, toute autre forme de musique que la musique vocale articulée, les artistes ont su créer une diversité de styles et d’œuvres que la tradition nous a légués ; ces œuvres furent retravaillées par leurs successeurs. C'est ainsi que sont nées les différentes "traditions" grecques, slaves, roumaines, géorgiennes, arméniennes, etc. ... et, à l'intérieur de ces différentes traditions, les traditions locales (et même parfois des traditions de différents monastères dans une même ville). Plutôt que de parler du "chant byzantin", parlons donc du chant de la liturgie byzantine.


      Cette obligation de musique vocale articulée se base sur un principe : à l'église, le chant est d'abord une expression d'un texte, c'est un "souffle" qui a un sens, une "parole" qui doit être intelligible. Les canons de l'Église de Russie interdisaient d'ailleurs expressément de "muser" à l'église (c'est pourquoi les Russes n'ont pas de musique avec un "isson"), car le Créateur, par son souffle, a doté l'homme de l'intelligence et de la parole. Il ne convient donc pas que l'homme "muse" comme un animal!


      Cette idée, que le chant est une manière de glorifier Dieu par le souffle de l'Esprit qu'il a Lui-même insufflé dans les narines d'Adam pour lui donner vie, devrait encore nourrir notre méditation sur le sens du chant à l'église. D'autant mieux que nous avons d'admirables textes à chanter.


      Le chant est donc une vibration du souffle, de cet élément qui, déjà dans la Genèse, symbolise l'Esprit vivifiant de Dieu. Il est aussi parole. Songeons ici à notre saint patron qui est la voix précédant le Verbe. La fonction de chantre fut de tout temps très appréciée dans l'Église, non seulement parce que le chant rehausse la magnificence des offices, mais parce que le chant est une parole modulée sur la beauté des vibrations du souffle humain.


      Le chant est aussi une parole adressée à Dieu par la prière, mais aussi à tous ceux qui "officient dans les parvis de la maison de notre Dieu ". Le chœur répond au prêtre et au diacre, mais s'adresse aussi directement à tous les assistants qui participent à cette vibration du souffle (remarquez la fréquence des verbes incitatifs : "Venez, adorons...", "Venez, réjouissez-vous...", "Magnifions...", "Exaltons...",  "Déposons...", etc. ...)


      Si ces paroles leur sont adressées, ils participent aussi au chant proprement dit : celui qui entend le chant "vibre par sympathie" comme disent les musiciens. De même qu'une corde de violon réglée sur le "la" vibrera si l'on joue un "la" sur un autre violon, de même nos tympans vibrent en harmonie avec les vibrations émises par les voix du chœur.


      C'est pourquoi il est permis de dire qu'écouter un chant religieux c'est y participer, car ce sont les vibrations d'un souffle qui nous est commun - et qui nous dépasse tous - qui pénètrent en nous, nous font vibrer, nous élèvent à une autre perception des paroles que nous entendons, du lieu où nous nous trouvons et du moment que nous vivons. Saint Augustin ne disait-il pas que bien chanter c'est prier deux fois : une fois pour soi-même et une fois pour ceux qui écoutent ...


      Dans la liturgie, nous pouvons dès à présent "approcher avec amour pour participer à la vie éternelle". Le moment liturgique est le temps du salut par excellence, celui où nous entrons  (imparfaitement mais réellement) dans la vie éternelle. Ce moment est un temps plein, où il se passe toujours quelque chose. On dit que la liturgie byzantine a "horreur du vide", car il n'y a pas de moment de silence, pas d'arrêt dans sa progression. C'est à la fois l'image de la louange incessante telle qu'elle se déroule au ciel, où l'on ne s'arrête pas par fatigue, besoin de dormir ou "soucis du monde", et une action qui a un aboutissement et une fin.


      C'est un moment dynamique, de célébration commune. Mais c'est une prière de l'assemblée qui se déroule en dehors de nous-mêmes, dans laquelle nous "entrons" pour en faire partie, qui ne nous appartient pas, mais à laquelle nous appartenons par notre participation volontaire.


      On peut dire que les fidèles "entrent en liturgie", ils "entrent" en action de grâce. Il s'agit bien d'une action et non pas d'une méditation au sens habituel du terme, ou alors c'est une méditation dans l'action plus que dans la réflexion. Nous entrons dans le temps, le lieu et l'action liturgiques pour qu'ils nous imprègnent par tous nos sens de la manière correcte de glorifier le Seigneur  (c'est le sens même du mot "orthodoxie"). Même si l'analogie est un peu triviale, on pourrait dire que nous devons nous y plonger comme on plonge une éponge dans l'eau et en ressortir imbibés d'"orthodoxie".


      Cette action se déroule dans un temps qui nous est donné et non pas un temps que nous donnons ; un temps où nous "déposons tout soucis du monde ", c'est-à-dire où nous sortons de l'agitation, pour nous insérer dans un mouvement harmonieux et structuré de l'assemblée réunie au nom du Seigneur. Ces "soucis du monde" ne sont pas niés, ni oubliés, ils sont déposés sur l'autel avec les dons, pour être "transfigurés" dans la mort et la résurrection du Christ, pour qu'ils y acquièrent leur véritable sens et leur valeur dans le temps du salut, pour qu'ils assument leur véritable dimension dans l'histoire, à la lumière de la Résurrection du Christ.


      Cette forme met en relief le caractère ecclésial de la liturgie qui est rassemblement des fidèles, de l'Église en mouvement, en "action liturgique". Ce n'est pas que les byzantins n'apprécient pas la méditation, loin de là, mais la méditation n'est pas un mouvement de l'assemblée, c'est une attitude personnelle à laquelle chacun doit se consacrer en privé.


      Et le moment liturgique n'est tout simplement pas ce moment-là. Il est fait de prières en commun, d'écoute de la Parole, d'offrandes, de processions et d'adoration, de prosternations et d'acclamations, de communion et de grâces rendues en commun, en assemblée, en Église. Les nombreuses répétitions, les psaumes lus par séries (en stances et cathismes) sont une manière de s'en imprégner afin de pouvoir les "ruminer" pour en tirer le suc nourrissant notre prière personnelle.


      L'assemblée ne se réunit pas pour méditer, pour "penser" ensemble pendant des moments de silence, mais bien pour célébrer ensemble, s'imprégner et se nourrir d'un mode de prière qui nourrira non seulement la méditation et la prière personnelle mais toute la vie.


      À l'image du Seigneur qui non seulement priait avec ses apôtres mais aussi se retirait seul pour prier, la liturgie byzantine nous offre d'ailleurs toute une série de prières à réciter en privé : la veille du jour où l'on veut communier, le matin de ce jour, après la liturgie où l'on a communié, prières du matin et du soir, avant et après les repas, et. ... Même les moines, qui se réunissent pourtant au moins sept fois par jour à l'église, ont leurs moments de méditation et de prière personnelle. Après complies par exemple, il est prévu une très belle prière à réciter en privé.


      Cette distinction entre la prière liturgique et la prière ou la méditation en privé est tout à fait évangélique. Souvenons-nous que les deux formes se trouvent dans les Évangiles, les Actes et les Épîtres. D'une part, il y a l'injonction "Si tu veux prier, monte dans ta chambre, et là dans le secret ...", d'autre part nous y lisons : "Ils étaient assidus à la prière dans le temple".


      Il est d'ailleurs intéressant de noter que la longueur des offices de la tradition byzantine permet aux fidèles de faire leurs dévotions personnelles durant les offices. Ils vont par exemple vénérer les icônes ou récitent certaines prières en privé durant les fonctions liturgiques. Restant ainsi dans l'espace liturgique, ils se "retirent" tout en étant présents. Comme tous sont debout, cela n'entraîne que peu d'inconvénients pour les autres fidèles. Dès que leurs dévotions sont terminées, ils "réintègrent" l'action liturgique sans difficulté.